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les fanfics d'Aë

Le salut (OS)

7 Juillet 2016 , Rédigé par Aësälys Publié dans #OS

Résumé: Hermione est une Trekkie (depuis TOS) et Severus est fan de Star Wars. Tous deux sont très passionnés par leur fandom et ne respectent pas celui de l’autre. Bien sûr, ils travaillent ensemble à Poudlard. Comment réconcilient-ils leur fandoms très passionnés avec leur attraction mutuelle l’un pour l’autre ?

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Note de cabepfir : Cher Rayvyn2k, je ne me suis pas gênée pour échanger les fandoms respectifs de SS et HG de ta commande originelle (citée dans le résumé), faisant d’Hermione la Trekkie et de Snape le fan de Star Wars, puisque je n’arrivais pas à les imaginer autrement. J’espère que tu apprécieras quand même. Au fait, merci de m’avoir fourni une demande qui m’ait poussée à écrire à nouveau une fic après des années. Merci aux modérateurs d’organiser à nouveau ce festival. Mille mercis à ma bêta pour son travail approfondi sur ça ; toute erreur restante est mienne. Plus de notes à la fin du cadeau.

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Le salut

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La première fois que Severus Snape regarde Star Wars, c’est le dernier jour des vacances de Pâques, dans un cinéma douteux des environs de Manchester. Malgré le fait que les étudiants (y compris les Moldus) sont toujours en vacances dans tout le pays, la salle est à demi vide pendant la séance du milieu d’après-midi. Lui et Lily sont assis à un des rangs du fond et personne n’est très proche. Lily mange son popcorn bruyamment –elle a acheté la plus grande boîte, comme souvent- et entre deux cronch-cronch, papote sans fin au sujet du film, libérée par l’absence de monde à proximité. Elle aime beaucoup le film, est contente, et Severus est content qu’elle soit contente. Il finit par aimer aussi le film, car Lily l’apprécie tant. Dès qu’il est dans une salle sombre avec Lily, la seule chose à laquelle il peut penser, c’est l’embrasser, comme les couples le font souvent autour d’eux, mais de toute évidence, il se retient, garde les mains sur les accoudoirs, force son esprit à se concentrer sur l’écran au lieu de la bouche de Lily qui mâche ses popcorns. Elle parle, il écoute à moitié, l’autre moitié concentrée sur le film. A l’entracte, Severus se lève pour la regarder. Tu es la plus belle femme de toutes les galaxies, et au-delà, veut-il dire, mais à la place, il marmonne « je dois pisser » et traîne les pieds jusqu’aux toilettes.

Quand ils quittent le cinéma, Lily a un large sourire. « Retournons le voir cet été » dit-elle. Severus acquiesce. Il espère.

Un mois plus tard, à Poudlard, Severus traite Lily de Sang-de-Bourbe et elle n’écoute pas ses excuses.

Ils ne voient plus jamais Star Wars ensemble.

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La première fois qu’Hermione Granger regarde Star Trek, c’est pendant les vacances de Noël, alors qu’elle est en cinquième année. Le temps est atroce, dehors, et la maison est pleine de membres de la famille, tantes et cousins. Il n’y a pas le calme nécessaire pour lire, et, de toute façon, l’atmosphère des vacances l’affecte elle aussi. Alors, elle regarde la télé avec ses cousins. Elle n’apprécie pas la plupart des séries TV, mais quelque chose, dans celle-là, retient son attention. Peut-être parce qu’il y a une logique dans ce que font les personnages, et parce que les problèmes auxquels ils font face ne sont pas communs –des questions plus sérieuses sont en jeu, cohabitation et collaboration entre différentes races, responsabilités personnelles et sociales, et plus encore. Elle aime que les femmes ne soient ni diminuées ni exploitées, qu’il y ait de la diversité raciale, que les personnages se montrent du respect. Plus encore, il y a de l’aventure et un sens de la justice, une recherche de la paix, toutes ces choses qu’elle chérit et auxquelles elle croit.

Au cours des années suivantes, quand elle est chez elle, elle tente de regarder des rediffusions de la série dès qu’elles passent à la télé. Elle achète des cassettes vidéo et a un modèle réduit de l’Enterprise sur son bureau, à la maison. Quand elle doit envoyer ses parents en Australie, elle réduit le modèle réduit et l’empaquète dans le bagage de sa mère.

Il est toujours là quand elle peut retrouver ses parents, et leur rend leurs souvenirs. En cet instant, elle sait que quelqu’un, dans l’espace, les a protégés.

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Quand Snape ressuscite de la morsure de Nagini, il découvre que sa respiration a été sérieusement compromise. Les guérisseurs et infirmières s’agitent autour de lui toute la journée, à Sainte Mangouste, jettent des sorts sur sa gorge mutilée, psalmodiant et agitant leur baguette. Ils entourent sa tête d’une bulle d’oxygène, ce qu’il déteste car cela ressemble de façon inquiétante à la cage de serpent dans laquelle le Seigneur des Ténèbres coinçait sa tête.

Enfin, après des semaines de travail, les guérisseurs terminent leurs sorts et la peau et les tissus de sa gorge sont restaurés, bien que rouges et étirés comme une étoile. Il peut respirer, mais son souffle est lourd et marque des pauses, et il ne peut pas marcher sans haleter, même sur de courtes distances. Il s’essouffle. Sa voix n’est que le pâle spectre de ce qu’elle a été. Elle est basse et râpeuse, fréquemment interrompue par ses inhalations et expirations.

L’une des nombreuses ironies de sa vie est que, dans cette seconde vie avec sursis qui lui avait été accordée, il était devenu Dark Vador. C’est ironique car, toutes capes noires, côté sombre et obéissance à l’Empereur cumulés, il s’était toujours imaginé en Han Solo (bien que dépourvu de comparse à fourrure), voyageant parmi les planètes en suivant sa propre route, et gagnant enfin l’amour de sa princesse. Pur sentimentalisme, il le sait, mais quand il regarde un film, même Severus Snape peut rêver d’être le héros.

Maintenant, il est coincé à jamais avec le souffle de staccato de Vador.

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Quand Hermione pose le pied à Poudlard à nouveau, en tant que Professeur Granger, pour la première fois, elle se sent intimidée par ses murs. Toute l’inquiétude qu’elle n’a jamais ressentie quand elle avait onze ans, elle la sent maintenant. Elle a aidé à reconstruire le château, mais en être maintenant un représentant officiel la fait vaciller. A dix-huit ans (dix-neuf dans quelques semaines) elle est le plus jeune professeur de Poudlard en trois siècles, surpassant même le Professeur Snape, qui avait vingt ans quand il avait rejoint le corps professoral. Elle est trop jeune pour le poste, mais en même temps, elle se sent inimaginablement vieille. Aussi vieille qu’une armée repartant en guerre, après que la précédente guerre soit tout juste terminée.

Elle se rappelle que le Capitaine Kirk était le plus jeune capitaine de Starfleet quand il a reçu la tâche de diriger l’Enterprise pour sa mission de cinq ans, et puise des forces dans sa comparaison. Elle peut sûrement diriger sa mission Poudlard, être forte et logique en même temps, et elle gagnera le respect de ses élèves et collègues avec le temps.

Hermione va enseigner la Défense Contre les Forces du Mal. Elle a accepté le poste avec hésitation, sachant que c’est la position que le Professeur Snape a désirée toute sa vie, et peut maintenant accepter sans réserve : mais Snape est apparemment content de revenir au laboratoire des Potions pour laisser Slughorn partir enfin et définitivement à la retraite. Snape semble vraiment plus heureux, d’une façon générale, même s’il a moins de voix.

Elle place la maquette de l’Enterprise sur son bureau, et avant chaque classe, elle se rappelle hardiment d’aller où aucun homme n’a jamais été.

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Pour la première fête d’Halloween entre les nouveaux murs de Poudlard, Severus n’a aucune hésitation pour son costume. Il a toujours détesté Halloween à cause de l’anniversaire de la mort de Lily, et il a toujours détesté les fêtes car il est Snape, mais il n’est pas un couard, et a décidé que pour une fois, il va aborder la question directement et ouvertement. Cette année, il sera Dark Vador. Il métamorphosé un chapeau en casque et masque de Vador, une veste en plastron et un vieux balai en sabre laser. Ses habituelles robes et capes noires font le reste.

Il respire comme Dark Vador ? Il portera le masque de Dark Vador pour un soir. Il ressemble à Vador ? Il s’habillera comme Vador. Il a cessé de fuir. Le meilleur moyen de lutter contre sa peur des masques et cages: en porter. Faire face aux regards de pitié de ses collègues, aux regards méfiants de ses élèves : se pavaner en tenue du parfait méchant. Il n’a pas soutenu le côté obscur depuis presque vingt ans, mais pour un soir, il peut explicitement le faire.

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Pour la première fête d’Halloween de la renaissance de Poudlard, Hermione n’a aucun doute sur la tenue qu’elle va porter. Penser à l’Enterprise l’a poussée au travers des premiers mois d’enseignement, il est donc naturel qu’elle s’habille comme un membre de l’équipage. Elle hésite simplement sur la couleur à porter. L’or du capitaine ? Le rouge du personnel d’ingénierie? Le bleu des scientifiques? La mini-jupe d’Uhura ou l’uniforme de Next Generation avec pantalon? Elle bataille tant avec les couleurs et longueurs qu’elle se sent moins comme un membre de l’équipage de l’Enterprise et plus comme une des bonnes fées de la Belle aux Bois Dormant. Finalement, en revanche, elle se fixe sur une robe classique d’Uhura, allongeant juste un peu l’ourlet pour être à l’aise lorsqu’elle dansera avec. C’est une robe iconique, portée par une femme courageuse, et elle se sent fière de son choix lorsqu’elle entre dans la Grande Salle. Elle salue gracieusement collègues et élèves, accepte une chope de bièraubeurre, et papote nonchalamment.

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Pour faire une entrée réellement spectaculaire, Severus arrive en retard. Il rencontre quelques difficultés à marcher avec le masque, qui gêne grandement sa vue, alors, lorsqu’il parvient à trouver un sort qui élargit les trous des yeux et atteint la Grande Salle, il est finalement le dernier invité à arriver. Des costumes laids et charmants parsèment le hall, mais la première chose qui attire son attention, c’est un point rouge là, à sa gauche, et la masse de cheveux châtains au-dessus : Hermione Granger en robe Star Trek.

Oh.

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Hermione tourne la tête en entendant une lente expiration par-dessus son épaule. A quelques pas derrière elle se tient Dark Vador. Elle réalise enfin, enfin, ce que la respiration de Snape lui a rappelé tout ces mois sans qu’elle mette le doigt dessus : Dark Vador. Une trekkie ne pense pas souvent à Star Wars. Il est, de toute évidence, parfait pour le rôle, et Hermione s’illumine, comme elle le fait souvent quand elle voit les pièces d’un puzzle s’imbriquer parfaitement. Elle rit.

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Elle rit, un rire clair et cristallin qui n’est ni moqueur ni méprisant. Pendant un instant, il revit le souvenir du rire pur de Lily, un rire de joie et de bonheur intérieur surgit de choses qu’il n’a jamais connues. C’est comme si Granger est contente de le voir là.

Au-dessus de ses bottes noires, ses genoux sont petits et joliment formés, couverts de bas sombre et impeccables. Elle tient élégamment sa coupe à la main, ses yeux bruns scintillent d’amusement. Seuls quelques élèves ont reconnu leurs costumes Moldus, mais elle aussi, de toute évidence, Née-Moldue qu’elle est, et cela lui plaît. Ou l’amuse.

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« Vous vous amusez, Granger ?

-Non ! Je veux dire, oui, j’apprécie un costume bien fait. Je ne riais pas pour attiser votre colère, monsieur –euh, chevalier ? Jedi ?

-Maître de l’univers ira très bien, Granger.

-Je ne pensais pas que vous seriez de si bonne humeur, surtout considérant, euhm, en qui vous êtes habillé, et en qui je suis.

-Pourquoi ? Parce que vous êtes de toute évidence fan de Star Trek et moi de Star Wars ?

-Oui. Ne devrait-on pas nous quereller au sujet de nos fandoms ?

-Fan… quoi ?

-Un fandom. Un groupe de fans du même livre ou film.

-Je vois. Eh bien, je n’étais pas conscient du fait d’appartenir à ces fan… choses.

-Apparemment, pas plus que la plupart des personnes ici présentes. Je m’attendais à ce que plus de gens reconnaissent immédiatement mon costume, mais même les élèves sang-mêlé n’ont pas su dire qui j’étais.

-Uhm. J’avais une impression similaire. La plupart des élèves continuent à s’inquiéter pour le moi-Snape, mais pas pour le moi-Dark Vador.

-C’est une bonne ou une mauvaise chose ?

-Ne me provoquez pas, Granger. Vous savez ce dont nous sommes capables.

-Vraiment ? Enfin, j’ai toujours voulu essayer les sabre-lasers. Voudriez-vous croiser le fer avec moi, Professeur ?

-Quoi ?

-Nous devons prouver être en effet en pleine querelle pour mériter notre nom de dignes fans. Seulement quelques passes, ça vous embêterai ? Ce sera drôle, promis. »

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D’un geste élégant, Granger métamorphose son verre en sabre-laser et lui fait face, le tenant à deux mains. Même si son attitude est sérieuse, son regard contient la même note de pur rire que précédemment, et un sourire tente d’étirer sa bouche.

Maintenant, les gens les entourant les observent, certains curieux, certains murmurants. La Directrice McGonagall les regarde avec un vague sourire à demi intéressé.

Granger agrippe son sabre-laser et le laser jaillit avec le son familier. Qu’a-t-elle en tête ? Apparemment, elle profite simplement de l’instant. Elle est si jeune, après tout, à peine entrée dans l’âge adulte, et il est normal qu’elle veuille jouer, faire semblant.

Il a le double de son âge et se sent souvent aussi vieux que le monde lui-même. Après sa résurrection, il s’est souvent perçu comme plus âgé encore –puisqu’il a surpassé et survécu au temps lui-même. Mais pour une soirée, même lui peut se sentir à nouveau jeune et jouer.

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D’un geste ample, Snape active son sabre-laser –ah, l’émerveillement sincère d’un sabre-laser alimenté par la magie !- et se place en garde devant elle. Soudainement, le souvenir du désastreux club de duel papillonne dans l’esprit d’Hermione, avec l’image des mouvements agiles de Snape. Mais elle n’a pas vraiment le temps de revivre son souvenir. Comme chorégraphié, ils lèvent leurs armes en même temps et les écrasent l’une contre l’autre. Le son familier des lasers bourdonne autour d’eux alors qu’ils envoient leurs armes dans les airs. C’est espiègle, mais il y a aussi une tension cachée, un sous-entendu qu’elle ne saisit pas complètement. La respiration laborieuse de Snape suit parfaitement celle de Dark Vador, et elle regarde son visage masqué, cherchant tout signe d’une dangereuse asphyxie. Elle regarde au travers des trous du masque, directement dans ses yeux. Dans l’ombre de son heaume, les yeux noirs de Snape le sont plus que jamais, deux puits qui l’attirent, sans fond et insondables. Elle est distraite, et sa lame crisse contre celle de Snape. Elle s’écarte et s’interrompt un instant.

« Voudriez-vous une pause, Professeur ? » demande-t-elle, même si c’est elle qui en voudrait une, pour dissiper l’effet que les yeux de Snape ont sur elle. « Je ne veux pas trop en faire subir à vos poumons.

-Déjà fatiguée, Granger ? » se moque-t-il.

« Moi ? Pas du tout. Je m’inquiétais pour vous.

« Humph. Vous mentez toujours aussi mal. »

Et il abat à nouveau sa lame.

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Malgré son souffle caverneux, Severus ne se sent pas fatigué. Au contraire, une étincelle issue de l’enthousiasme de Granger semble l’avoir atteint. Il pourrait continuer le duel pendant des heures. Ses mouvements sont agiles et presque hypnotiques, ce qu’il n’aurait pu prédire. Son regard est si vivant, et ses joues rougissent de l’exercice. Il pourrait la regarder pendant des heures, ainsi que les cercles qu’elle trace de ses bras et de ses jambes. Même s’ils jouent, il y a dans leur danse un sens caché qu’il ne peut complètement définir. Ils virevoltent et se retrouvent très proches l’un de l’autre, leurs lames glissent l’une contre l’autre, jusqu’à la garde. Sa cape noire tourbillonne, caresse les jambes d’Hermione, et son torse, sous le tissu rouge, est si proche qu’il pourrait la toucher en tendant une main. Il la regarde et son souffle est plus lourd encore qu’avant.

Soudainement, Granger recule et détourne le regard du sien. Le bourdonnement des sabre-lasers cesse. Elle se retourne et s’adresse au public. « Pour ceux qui l’ignorent, le Professeur Snape et moi venons de jouer une scène d’un film Moldu appelé Star Wars. Le Professeur Snape est habillé comme l’un des personnages du film et moi comme un de Star Trek, une autre histoire Moldue. Cela a été fait dans l’esprit de la coopération Moldu-Sorcier et pour soutenir la connaissance de la culture Moldue par la communauté magique. Nous vous encourageons tous à étudier certains traits de la culture Moldue. » Elle sourit, encourageante. « Ce sera tout, vous pouvez en revenir à la fête. »

Murmures, gloussements étouffés, puis les élèves et professeurs détournent le regard, de la table du buffet aux murs décorés. Les gens perdent si vite tout intérêt. Le duel au sabre-laser sans précédent entre le Professeur Snape et le Professeur Granger sera rapidement oublié, comme les nouvelles scolastiques le sont si souvent.

Malgré lui, Severus sent une pointe d’insatisfaction. Après toute cette excitation, la déception l’envahit rapidement. Tous ces costumes élaborés, l’inhabituel rôle principal, et les gens se soucient toujours avant tout de leur estomac. Même Granger papote déjà avec quelqu’un d’autre. Partir est ce qu’il a de mieux à faire. Après tout, Halloween a toujours été une disgrâce, et pas même se déguiser en Vador n’a le pouvoir de changer cette loi. Severus se détourne pour partir.

Alors qu’il passe à grands pas près de Granger, elle tourne la tête et le regarde un moment. Même si son attitude est sérieuse, il y a toujours ce sourire dans son regard, un non dit dans sa bouche entrouverte. Son regard le suit jusqu’à ce qu’il sorte de la pièce, et pour la première fois –en plusieurs décennies ? de toute sa vie ?- Severus sent quelque chose comme de l’espoir papillonner dans sa poitrine.

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Au cours des jours suivant, Hermione ne peut rester en place. Le duel au sabre-laser a peut-être duré cinq minutes, mais elle est imprimée dans ses souvenirs et elle revit constamment ces quelques instants. Depuis combien de temps n’a-t-elle pas simplement joué avec quelqu’un, sans artefact démoniaque à vouloir détruire, sans château à reconstruire, parents à secourir, amis à sauver ? Et avec le Professeur Snape, entre tous ! Et combien de temps depuis qu’elle ne s’est pas retirée avec diplomatie d’une situation, au lieu d’y faire face bille en tête ? L’impression d’avoir nettoyé la table avant que le repas ne soit terminé la tracasse.

Alors, deux semaines après la fête d’Halloween, Hermione entre dans le bureau de Snape, se dressant de toute sa hauteur.

« Je ne comprends vraiment pas » commence-t-elle sans préambule, « comment vous pouvez être fan de Star Wars. »

Entouré de devoirs à demi-notés, Snape, qui est resté bouche-bée à son entrée, plisse les yeux et se rajuste au fond de son fauteuil. « Et cela parce que… ?

-Ce n’est pas même de la vraie science-fiction. C’est du space opera.

-Et depuis quand, parmi vos autres talents, avez-vous une expertise approfondie en science fiction ?

-J’ai lu le cycle de Fondation d’Asimov…

-SF de salon, ne contenant ni description à large échelle ni attention aux détails.

-…Starship Troopers…

-Psssss ! Un livre d’enfant victorien!

-…Et j’ai regardé tous les épisodes de Star Trek que je pouvais.

-Hmph ! Vous dites que Star Wars est un space opera comme si c’était une définition péjorative, mais vous ne prenez pas en compte vos propres paroles. ‘Opera’ signifie que cela contient tous les grands éléments d’un opéra musical : passion, beauté et intensité.

-Mélodrame, intrigues implausibles, gestes exagérés.

-Tandis que Star Trek, que vous favorisez tant, est émotionnellement ratatiné, affligé d’un nanisme de narration, et filmé avec le budget faramineux d’une noise.

-Car maintenant, le budget décide de la qualité.

-En matière de divertissement visuel, c’est le cas.

-Vous admettez donc que Star Wars est spectacle sans substance.

-Une fois les lumières éteintes, c’est moins dangereux. Nous y voilà, amusons-nous.

-Je vous demande pardon ?

-La beauté visuelle fait partie de l’histoire. C’est une expérience, Granger: aller au cinéma et plonger dans quelque chose de plus beau que la rue extérieure.

-Vous mentionnez encore la beauté. Mais qu’en est-il de la structure ? Star Wars a plus de trous dans son intrigue qu’un parcours de golf.

-Tel que ?

-Je me rappelle qu’alors que je le regardais, j’étais abasourdie par le manque de cohérence narrative.

-Je suis abasourdi par votre adoration de mouton envers une série surestimée qui ne peut tirer une émotion sincère chez son spectateur.

-J’apprécie une série qui est bonne en tous aspects, et est avec raison appréciée par des millions de personnes.

-Le bon est la tombe du sublime, Granger.

-Le bon est la tombe de la mauvaise écriture, Professeur. »

Et là-dessus, Hermione part aussi abruptement qu’elle est entrée. Elle se sent incroyablement mieux. L’équilibre est restauré : elle a passé un peu de temps à se disputer –euh, à discuter- avec le Professeur Snape, a accompli les exigences de chamailleries de fandom contre fandom, y a mis fin avec un match nul pour que les deux parties puissent être également satisfaites, et (plus que tout le reste), a maintenu calme et sang-froid durant tout le débat. Alors qu’elle remonte dans la tour Gryffondor, le nœud désagréable dans son ventre s’est détendu, et elle est de nouveau en paix avec elle-même.

L’expérience est si réussie qu’Hermione décide de la répéter, jusqu’à ce que cela devienne une habitude. Dès qu’elle pense à un autre détail de Star Wars qui peut être discuté, elle descend au bureau de Snape, le surprend en train de noter des devoirs ou de lire, et commence à parler. Ses attaques sur Star Wars sont gâchées par le fait qu’elle n’a vu que l’épisode IV, et ce une seule fois, quand il a été représenté dans les cinémas pour le vingtième anniversaire. Elle a recours à des expressions et considérations générales. Snape, de son côté, n’a qu’une connaissance superficielle de Star Trek, alors leurs circonvolutions sont, une fois encore, équilibrées.

Son manque de connaissance de première main l’irrite, alors, pendant les vacances de Noël, elle loue les cassettes de la trilogie et les regarde avec attention. Elle prend des notes.

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Au matin de son anniversaire, Severus trouve une action figure de Dark Vador sur son bureau. Il n’y a pas de note avec, mais il n’a aucun doute de l’identité de la personne l’ayant envoyé. Il l’emmène dans sa chambre et la place sur sa table de chevet. Cette nuit, il la ressort et l’admire.

Il n’a jamais possédé de tel jouet enfant –si ce qu’il avait possédé à l’époque pouvait être appelé jouets, et aussi si cette statuette, de son côté, pouvait appartenir à la définition générale de ‘jouet’. C’est clairement une figurine faite pour les adultes, pas pour les enfants, sans articulations, avec un corps de plastique et une cape de tissu. Il tourne et retourne entre ses mains ce cadeau inhabituel.

Tout, au cours des derniers mois, il le réalise, a été inhabituel. Il a discuté fréquemment avec Dumbledore de son inévitable décès, a eu des réunions sympathiques avec Minerva où il est question de pédagogie et de Quidditch, et avait eu des relations polies avec cette pauvre Charity Burbage, mais aucune femme n’est jamais entrée –à répétition- dans son bureau juste pour lui parler. Il voit clairement cela comme une extension de la fête d’Halloween : leur duel au sabre-laser est devenu verbal, les mots bougeant entre eux comme les gestes d’une chorégraphie. C’est à nouveau une danse. Même si tous deux ne sont pas à moins d’un mètre l’un de l’autre, en vérité, ils dansent.

Granger lui permet d’être à nouveau frivole, insouciant, libéré. Dans leurs discussions, il n’y a nulle mention de sauver le monde (à moins qu’il ne s’agisse de fiction), pas de promesse à tenir pour épargner la vie de quelqu’un, pas de serpents, pas d’orphelin survivant (ni aucun qui ne vive vraiment). A trente-neuf ans, Severus se sent de nouveau jeune –ou peut-être vit-il sa jeunesse pour la première fois.

Ce qu’il ignore, c’est où ces conversations vont mener. Granger traverse sûrement une phase –un jour, elle oubliera tout de leurs discussions, restera de son côté du château, et le monde continuera sa course comme toujours. Il est, après tout, le professeur le plus proche de son âge (à presque quarante ans !), a quelque expérience du monde moldu (bien que rouillée), et Granger a de toute évidence besoin de quelqu’un pour parler. Elle ne peut être amie avec les étudiants, ses pairs, pas si elle veut garder une once d’autorité sur eux –un problème qui affecte aussi Severus, quand il a reçu la tâche d’enseigner les Potions pour la première fois. Plus encore, elle est habituée à avoir des amis garçons (amis ! quelle notion absurde !) et puisqu’il lui permet d’entrer dans son bureau pour commencer à s’agiter ce premier après-midi, comment peut-il l’arrêter maintenant ? Non pas qu’il veuille que cela s’arrête. Cela s’arrêtera de soi-même, pense-t-il, le jour où elle trouvera un autre projet sur lequel travailler, un autre champ à étudier, un autre ami.

Il ne se pose pas de telles questions. Il ne veut pas entendre les réponses. Il ne s’attend jamais vraiment à ce qu’elle revienne dans son bureau en fin d’après-midi, pas plus qu’il ne l’espère, ni ne compte dessus.

Elle revient simplement.

Ils parlent simplement.

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C’est son souffle, réalise-t-elle, si rythmique et apaisante, comme des vagues sur un rivage. C’est étrangement réconfortant, ce souffle lourd, signe qu’il est en vie et a survécu à la guerre, à Voldemort. Il la suit alors qu’elle quitte sa chambre et longe le couloir de Poudlard pour retrouver son propre appartement. Alors qu’elle se glisse dans son lit, elle se demande parfois comment se serait de s’endormir au son de cette respiration, enveloppée en elle comme une couverture.

Cela ne lui rappelle plus Dark Vador. (Elle pense vaguement que Snape ne doit pas avoir apprécié la figurine : elle est n’est pas visible dans son bureau, et il ne l’a jamais remerciée pour ça. Ce n’était probablement pas une bonne idée de cadeau.)

Ils ont épuisé tous les arguments possibles au sujet de leur dispute de fandom, alors, quand il n’y a plus rien d’autre à dire, Snape lui demande de lui narrer quelques épisodes de Star Trek. Elle se les rappelle parfaitement, bien sûr, et il semble assez satisfait de l’écouter les raconter pour en critiquer les fautes. Mais la plupart du temps, il écoute simplement.

Et respire.

« Vous parlez toujours de beauté » lance-t-elle en remuant son thé. (Il a commencé à lui offrir du thé. Elle a commencé à amener des biscuits.) « Tout ce que je vois, c’est une excuse fallacieuse pour faire un film. »

C’est une conversation qu’ils ont eue de nombreuses fois auparavant.

« Pensez aux deux lunes de Tatooine » réplique-t-il, « ou aux étendues blanches de Hoth. Pensez à la destruction de l’Etoile de la Mort, ou…

-Ou aux Ewoks.

-Les Ewoks étaient un faux pas du Retour du Jedi, je vous l’accorde. Mais vous ne pouvez rejeter tout le reste pour une seule erreur.

-Et les wookies.

-Et les TB-TT.

-C’est une machine de guerre ! Je ne comprends honnêtement pas ce que vous pouvez y voir de beau.

-Vous ne semblez voir de beauté que dans l’ordre et la structure. Une approche très néo-classique –ou peut-être dictatoriale ? Vous devez savoir quel genre de personnes aimait et copiait le classicisme.

-La beauté arrive quand la forme reflète le contenu… il ne peut y avoir de beauté dans une œuvre d’art si les éléments séparés ne collaborent pas et ne montrent pas de beauté par eux-mêmes. C’est la somme de chaque singularité. Quand toutes les parties, contenu et forme, correspondent, nous pouvons parler de beauté.

-C’est si Winckelmannien de votre part. Mais le monde ne travaille pas selon votre ordre et votre logique, mon petit Spock. »

Hermione tourne la tête et rougit légèrement. A un moment, il a commencé à l’appeler ‘mon petit Spock’. C’est censé être rabaissant, une version mise à jour de ‘Je-Sais-Tout’, mais cela commence par ‘mon’, et elle ne peut s’empêcher de trouver cela attachant.

« Il obéit au chaos et à la chance » poursuit-il, « et est dirigé par l’incohérence et la disparité. C’est dans le caractère aléatoire de l’existence que nous trouvons de petites étincelles de beauté ; mais ces étincelles suffisent à éblouir… une oasis dans le désert. Ne pensez-vous pas que la beauté brille plus en contraste avec la laideur ?

-Si cela signifie que nous ne pouvons secourir que quelques instants de Star Wars au milieu de l’indécidabilité globale » rétorque-t-elle, « je peux être d’accord. Si cela signifie défendre le romantisme générique contre une vision plus classique, je m’en tiendrai à cela : la beauté est paix et harmonie, pas conflit, et est générée par la correspondance entre l’intérieur et l’extérieur.

-Kalos Kagathos.

-Exactement. »

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Elle le regarde intensément, mais sa tête, penchée en arrière, repose sur le bras du fauteuil, laissant un triangle crémeux de gorge visible. Tout le reste de son corps est serré sur le fauteuil sous un plaid.

C’est février et dehors, il gèle.

Il ne veut pas regarder sa gorge, car il craint de perdre le fil de la conversation. Parfois, il ne sait pas s’ils parlent toujours de Star Wars et Star Trek ou de quelque chose de totalement différent. Parfois, il a l’impression qu’elle parle de lui, qu’elle veut démontrer quelque chose.

« Alors, la beauté est bonté : la prochaine devise de la Maison Gryffondor.

-Je crois en effet que la bonté est une beauté, mais pas comme vous l’entendez. Au contraire. ‘Une personne aux bonnes pensées ne peut être entièrement laide. Vous pouvez avoir un nez de biais, une bouche tordue, un double menton et des dents de castor, mais si vous avez de bonnes pensées, cela illuminera votre visage comme un rayon de soleil et vous aurez toujours l’air adorable.’ »

Elle le regarde très intensément.

« Une citation, Granger.

-En effet.

-De Star Trek ?

-Non ! » rit-elle.

« Du Livre standard des Sortilèges, alors.

-Encore faux » sourit-elle. « De Roald Dahl, un auteur Moldu pour les enfants.

-Evidemment, Star Trek n’offre pas souvent de citations utiles.

-Oh, vous seriez surpris ! » Elle rit encore. Puis baille.

« Il est tard, Granger. Il y a cours demain. Filez.

-Je vous donnerai quelques citations de Star Trek la prochaine fois.

-La prochaine fois, Mr Spock.

-Bonsoir, Wordsworth. »

Elle quitte la pièce, rit et baille en même temps.

Son rire est assez nécessairement une preuve de sa théorie sur la beauté.

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Fin mars, un par un, les élèves tombent malade. Bien que le temps soit atroce, ils transpirent abondamment, mais ils ne sont pas brûlants et n’ont pas de fièvre. Après avoir transpiré deux jours, ils commencent à tousser. Ils sont emmenés à l’infirmerie, on leur donne de la Pimentine. La toux s’aggrave en quelques heures ; lorsque la nuit tombe, les enfants sont ravagés d’expectorations.

Les classes sont à demi vides ; de plus en plus d’élèves arrivent à l’infirmerie chaque jour. Les pièces les plus proches de l’infirmerie sont également équipées de lit pour que tous aient de la place. Les plus jeunes enfants semblent plus souffrir que les grands, mais la contagion se répand sans se soucier de l’âge et du sexe.

Huit jours d’épidémie et Hermione commence à transpirer.

Poppy ne sait que faire. La Directrice McGonagall, Rolanda Bibine et Aurora Sinistra sont également malades. Ils appellent des experts de Sainte Mangouste : ils ne veulent pas déplacer les enfants, de peur que cela ne cause une plus grande contagion.

Soigneurs et médicomages tentent des traitements, concoctent des potions, brûlent de l’encens pour purifier l’air, frottent les jeunes torses d’eucalyptus et de menthe poivrée. La toux raisonne incessamment entre les murs de Poudlard, fait écho partout, devient la substance des cauchemars.

Toussant et fiévreuse, Hermione se traîne à la bibliothèque, s’enfouit dans les étagères, parcourt la Réserve. Il doit y avoir une cause que d’autres personnes ont négligée, une maladie décrite quelque part, un médicament prescrit ailleurs. Elle lit jusqu’à ce que les mots lui brouillent le regard, jusqu’à ce qu’elle soit glacée et s’effondre sur la table avec une quinte de toux. Elle répète le cycle le lendemain.

Severus –elle a commencé à l’appeler Severus- lui amène du thé et des couvertures dans la bibliothèque. Irma Pince est malade, elle ne peut donc pas se plaindre à cause des boissons et de la nourriture. Il prend les livres des mains d’Hermione quand elle ne peut plus les tenir et continue à les scanner. Severus n’a pas été infecté.

Les gens non infectés sont de plus en plus rares chaque jour. Ils doivent vite trouver un remède. La gorge de certains est si irritée qu’ils ne peuvent plus manger. Le mucus les étouffe. Ils dépérissent. Les intraveineuses magiques sont préparées.

Hermione feuillette les pages. Vite, vite. Qu’arrivera-t-il à ses élèves ? Poudlard devra-t-il toujours souffrir ? Et si Severus tombait lui aussi malade ?

Elle parcourt d’anciens volumes, déchiffre des manuscrits délavés. Ses doigts tremblent alors qu’elle tourne les pages antiques; ses yeux sont inondés de larmes quand elle est assaillie d’une nouvelle quinte. Des mouchoirs froissés l’entourent.

Page après page, maladies et malédictions sont écartées. Est-ce Bordetella pertussis ? Moraxella catarrhalis ? Non, Coronavirus ? Non. Et alors…

Est-ce… ? Mais peut-être, peut-être est-ce…

« C’est un Bisur » croasse Hermione en pointant son doigt faible le manuscrit. « Le bisur est une affliction arkane, affectant le système respiratoire. Ce parasyte est invisible et intangible. Le bisur vit en ayre ouverte, mais il préfère l’ayre dans la gorge. Quand l’affliction de bisur apparoit, elle se manifeste par une attaque respiratoire. Le Bisur crée une tanière dans la membrane cricovocale, où il intercepte et avale l’air inhalé par une personne. Le Bisur fonctionne ainsi comme parasyte du larynx. Quand il a avalé suffysamment d’air et a déployé ses ayles, généralement après vingt et quelques jours dans le larynx, le Bisur dépose ses œufs. Les œufs du Bisur tombent dans les bronches, où ils peuvent trouver de plus grandes quantités d’air que dans le larynx, et ils restent là, pryvant la victime de son souffle. Ils éclosent pour rester, larves immatures, six jours à grandir et devenir des Bisurs entièrement adultes. Quand ils ont atteint leur taille maximale, ils quittent les bronches de la victime, un par un, par le nez. Une fois que le dernier Bisur a quitté les poumons, la victime meurt, puisque aucun air ne puyt être trouvé dans les bronches. Ce parasyte est très rare mais extrêmement contagieux & dangereux quand il apparoit.

-Alors c’est pour ça que je ne pouvais comprendre ce que c’était » souligne Severus. « Je cherchais de la magie noire, mais ce n’en est pas : c’est une créature élémentaire, plus âgée que la distinction entre Bien et Mal.

-Cela devait être quiescent dans Poudlard depuis toujours. La reconstruction du château a dû le réveiller.

-Je n’exclurai pas la possibilité que le Seigneur des Ténèbres ait pu le planter quelque part pour l’utiliser en cas de besoin… ou juste parce que l’idée lui plaisait.

-Oh, Severus, que pouvons-nous faire ? C’est maintenant le vingt-et-unième jour d’épidémie. Nous ne pouvons laisser le Bisur déposer ses œufs. Nous avons sa description, mais il n’y a aucune mention de comment lutter contre. Peut-être » -son corps tremble sous une toux puissante- « pouvons nous l’attirer hors du larynx des gens ? Diffindo ? Comment ? » Les dernières paroles d’Hermione sont presque étouffées sous sa quinte de toux.

« Pas d’inquiétude » dit Snape. « J’ai un plan. »

Et avant qu’Hermione ne relève la tête, il a quitté la pièce.

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oOo

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Vite, de plus en plus vite, Severus file dans les couloirs de Poudlard, passe son bureau, passe les salles de classe, traverse la cour du château, remonte l’escalier de la tour centrale. Ses bottes claquent, solitaires, sur la pierre ; les halls sont sinistrement silencieux, pas de rire d’élèves, pas de bavardage, pas de couinement de fille: juste le rude stacatto des toux résonnant dans l’Infirmerie. Il monte, monte les marches, les toux sur ses talons, tripotant d’un doigt squelettique l’ourlet de ses robes. Il ne veut plus jamais voir ça, non, tout sauf ça: la regarder mourir devant ses yeux, tuée par quelque chose que le Seigneur des Ténèbres –sûrement lui- a amené au château. Il ne peut la voir mourir ; c’est déjà trop de voir son corps souple secoué de convulsions. Il a senti chaque douleur d’Hermione jusque dans ses os. Cela ne peut plus arriver.

Il atteint la salle hexagonale au coin de la tour et s’y enferme. Protego Horribilis. Cave Inimicum. Fianto Duri.

Aucun élève ne parcourt les couloirs, aucun regard accusateur, aucun devoir à corriger –c’est un rêve tentant, pendant un instant, de s’imaginer seul dans le château, sans être dérangé. Mais ce ne serait pas la paix. Ce ne serait pas… vivre.

« Bisur Conjurus ! » hurle-t-il, avec autant de puissance que ses cordes vocales le lui permettent. « Viens ici, Bisur, et quitte les gorges des élèves et des professeurs ! Mobili-Bisur ! »

Dehors, en dessous de lui, entre les murs de Poudlard, il y a un soudain silence. Le silence comme dans plus de toux, plus de râle. Cela ne dure qu’une minute, suivie par de vifs babils, des cris surpris. C’est, peut-être, un des sons les plus rassurant qu’il ait jamais entendu.

Devant sa pièce de la tour se trouve le Bisur. Même s’il ne peut pas le voir, Severus peut le sentir, pressé contre le verre des fenêtres de la pièce, cherchant plus d’air.

« Viens à l’intérieur, chéri » ronronne-t-il. « Specialis Revelio ! »

Soudainement visible, le Bisur passe au travers des murs et des porte-fenêtres, se versant lentement dans la pièce. Comme un nuage gris et duveteux, il se condense près du plafond. La fumée s’agglomère, change de forme, devient plus grise. Il a l’air d’un taureau grattant le sol de ses sabots, prêt à charger.

« Oh oui » continue Severus. « Viens à moi, attaque-moi. Nous pouvons résoudre cela seuls, toi et moi. »

Le Bisur baisse ses cornes.

« NON ! » Le cri d’Hermione lui parvient avant qu’il ne puisse entendre le bruit de ses pas. « Non, Severus, qu’est-ce que tu fais ? »

Le Bisur renifle.

La tête d’Hermione passe par-dessus le seuil des escaliers. Elle a le souffle court de sa course, de l’inquiétude –mais elle ne tousse pas.

« Ne touchez pas le verre ! » ordonne-t-il de sa voix la plus sévère. « Il est piégé ici, mais il reste contagieux. Restez loin, Granger !

-Je me fiche que ce soit contagieux » gronde-t-elle. « Je veux aider. Qu’allez-vous faire ? Que puis-je faire?

-Restez. Dehors » dit-il d’une voix lente et basse. « C’est parfaitement logique.

-Non ! Non! Je ne vais pas vous laisser…

-EPOXIMISE ! »

En un tourbillon de fumée noire, la créature élémentaire nuageuse descend dans les narines et la bouche ouverte de Severus, par flots, jusqu’à ce que toute sa fumée malveillante disparaisse dans ses poumons comme une chute d’eau infernale.

L’air craque d’énergie alors que Severus avale le Bisur, la peau de ses joues s’étirant sous l’effort. Puis il y a une explosion silencieuse, comme l’instant dans un film quand le son est coupé et que les gens continuent à crier sans un son. Le nuage de mal coule de sa bouche et éclate en de milliers d’échardes qui se dissipent, et bientôt, il n’en reste rien. Quand les dernières particules de brume sombre se sont évanouies, Severus s’effondre au sol en un tas de robes noires.

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oOo

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« Non ! Non! Severus… »La joie de découvrir qu’elle ne luttait plus pour chaque inspiration se dissipe en un instant. Affolée, Hermione s’effondre à son tour. Les larmes coulent sur ses joues et elle sanglote bruyamment, incapable de s’en empêcher. Ce n’est pas bien… pourquoi cela doit-il arriver encore ? Comme ça ?

« Crétin, stupide… Pourquoi ? Nous aurions pu trouver un autre moyen… tu aurais pu survivre ! »

Elle se replie sur elle-même pour gémir. Elle pleure et pleure, jusqu’à ce que les sanglots s’espacent assez pour entendre des bruits non issus de son désespoir. Le son distant de rires, de gens parlant ailleurs dans le château, de pas sur le sol de pierre, et –faible mais reconnaissable- son souffle. Son cher, précieux, superbe souffle est clairement audible de l’autre côté de la fenêtre.

« Severus! Severus, tu m’entends ? »

Hermione se redresse pour s’asseoir et touche la vitre, tentant de trouver une entrée. Mais Severus doit avoir posé des sorts sur la pièce, car elle n’en trouve aucune. Elle tape sur la vitre.

Lentement, très lentement, un coude se lève du tas noir, un genou bouge, une tête se tourne ; et lentement, très lentement, deux paupières remuent, et deux yeux très noirs croisent son regard.

« Tu aurais pu mourir » expire-t-elle, « qu’as-tu fait ?

--C’était parfaitement logique… C’est ce que tu aurais fait » réplique-t-il d’une voix qui ne lui ressemble pas.

Hermione secoue la tête. « Comment vas-tu ? Pourquoi je ne peux pas entrer ?

-Le processus de décontamination n’est pas achevé » râle Severus d’une voix inconnue. « Cela arrive.

-Je voudrais entrer. Je voudrais…

-Les élèves sont-ils hors de danger?

-Oui. Plus personne ne toussait quand j’ai quitté la bibliothèque. Les gens marchent à nouveau dans les couloirs, parlent et respirent normalement. Severus, tu as sauvé l’école. Encore. Mais à quel prix?

-Ce n’est pas ça… ce que tu m’as dit quand tu me listais les meilleures citations de Star Trek ? ‘Ce qui est utile à beaucoup l'emporte sur...

-... Les désirs du petit nombre. Ou d’un seul.’ Mais ça ne devrait pas… Severus, tu vas survivre ? Comment te sens-tu ? »

Hermione se presse contre la vitre, ses doigts en parcourent la surface comme si elle tentait toujours de trouver un moyen d’entrer. De l’autre côté, Snape se redresse sur ses bras et, une dalle à la fois, se pousse plus près de la fenêtre où Hermione est assise.

« Comme je le disais, c’était la solution la plus logique. » Ses lèvres se plissent en un sourire timide. « Tu vois, mon petit Spock : je n’ai plus de membrane cricovocale. »

Hermione le dévisage, sans savoir si elle veut l’étrangler à la première occasion ou rire. « Nagini ? » parvient-elle à demander.

« En effet. Quand tu m’as dit que le Bisur y nichait, j’ai su quoi faire.

-Exposimise » dit-elle, admirative à l’excès. « En attachant le Bisur à quelque chose qui n’existe pas, tu as supprimé l’existence du Bisur, comme en inversant sa polarité.

-Deletrius » spécifie-t-il. « Un sort silencieux. Je suis sûr que tu t’en rappelles, mon petit Spock.

-Tu sais » contre Hermione après un instant, « mon personnage préféré de Star Trek n’est pas Spock, aussi étrange que cela puisse sembler. Mon personnage préféré, c’est le Capitaine Kirk. Dans les instants d’insécurité et de doute, je pense au Capitaine Kirk, et je trouve de la force dans la manière dont il fait ses choix, tempérant ses instincts de son grand cœur. Et avec l’aide Mr Spock. »

Avec des mouvements précautionneux et économiques, Severus se laisse aller contre l’encadrement de porte en pierre. « Malgré toutes les preuves du contraire » souffle-t-il, « je n’ai jamais été particulièrement intéressé non plus par Dark Vador, avant que des complications inattendues ne renouvellent nos relations. Je m’identifiais plus à Han Solo… Ou au moins, j’espérais devenir quelqu’un comme Solo, avec ses remarques tranchantes, son charisme et son indépendance. Une part de moi voulait… espérait être le héros qui sauve le monde, gagne la princesse et pilote un vaisseau spatial. Mais nous savons tous comment cela s’est terminé » termine-t-il avec un reniflement désapprobateur.

Ils s’entreregardent au travers de la vitre. Quelque chose de chaleureux frémit dans ses yeux noirs.

« Mais tu es un héros » contre Hermione en s’approchant si proche de la fenêtre que sa respiration s’y condense. « Tu l’es. Tu as sauvé l’école, ce soir, et l’an dernier, et tant de fois… A faire ce qui devait l’être, même quand ce n’était pas ce que tu voulais faire. Et même si je n’ai pas grand-chose à faire de Han Solo… tu es mon héros. »

Elle presse ses mains à plat sur la vitre, le fixant bien en face, même si ses joues sont devenues carmin. « Quand je suis revenue à Poudlard, j’étais honnêtement effrayée. Je ne savais pas si je m’adapterais bien… être de l’autre côté du bureau, après que tant de choses soient arrivées dans ces mêmes salles de classe. Je savais ce que je devais faire, et je savais vouloir le faire, mais je ne savais pas si j’en avais la force. J’étais aussi si fatiguée. Et je me serais épuisée plus encore, s’il n’y avait pas eu nos après-midis. Tu m’as offert de l’espace –eh bien, je ne sais pas si c’était volontaire, puisque je débarquais et vous trouvais dans votre bureau, hein- mais tu l’as fait quand même. Un espace où je pouvais être moi-même dans le nouveau Poudlard. Pas le plus jeune professeur, ni le vétéran de guerre, ni pourvoyeur de sécurité et de connaissance, ni rien de ça… Je pouvais être juste moi. C’est un grand cadeau. Merci, Severus. »

Elle écarte les doigts sur le verre, index et majeur d’un côté, annulaire et auriculaire de l’autre, formant un V. « Longue vie et prospérité » dit-elle.

Severus semble flatteusement amusé, puis soupire. En un geste empressé, comme s’il se poussait à agir avant de se raviser, il tend le bras vers elle et pose sa main en imitation de la sienne, de l’autre côté de la vitre, écartant également ses doigts en un salut vulcain. « Long amour et prospérité » murmure-t-il, presque inaudible.

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oOo

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La seconde fois que Severus regarde Star Wars au cinéma avec une fille à ses côtés est le premier jour des vacances d’été. La salle est pleine et sent le popcorn et le soda, tandis que les adolescents, partout, mangent, boivent, et papotent à des instants inappropriés du film. La journée est inhabituellement chaude et ses vêtements moldus sont inconfortables de partout, l’air est lourd de sueur, et il fait enfin, enfin, ce que tous les autres couples autour de lui font, et embrasse Hermione dans le noir.

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***FIN***
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Notes de fin de Cabepfir:
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Star Wars IV: Un nouvel espoir est sorti aux USA au printemps 1977 (et en Grande Bretagne à Noël 1977). Pour permettre à Snape et Lily de le voir ensemble avant que leur amitié ne soit rompue, j’ai dû anticiper sa sortie pour le printemps 1976.

Star Wars I: La Menace Fantôme a été distribué au début de l’été 1999, j’ai donc gardé la date inchangée. Le reboot de J.J. Abrams n’était pas encore sorti, bien sûr.

Les opinions de Snape et d’Hermione sur ST et SW ne reflètent pas nécessairement les miennes. C’est John Brunner qui a dit que Starship Troopers est un ‘livre d’enfants victorien’.

http://cabepfir.livejournal.com/20357.html#cutid1

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Aë: ‘En garde’ est en français dans le texte, car les Anglophones (et beaucoup d’autres!) utilisent les termes français pour l’escrime.

Faux pas est aussi en français… Sommes-nous mauvais danseurs ?

Et la citation de Roald Dahl est traduite par mes mimines, je n’ai pas cherché la ‘vraie’.

Wordsworth (William) : auteur de poésie anglaise. J’avais appris ‘daffodils’ en cours d’anglais, pas vous ?

‘Winckelmannien’ fait référence à un théoricien de l’art : https://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_Joachim_Winckelmann

Kalos Kagathos (https://fr.wikipedia.org/wiki/Kalos_kagathos) est du grec ancien signifiant ‘beau et bon’. C’est un idéal confondant le beau et le bien, et l’expression est souvent associée aux athlètes (notée près des représentations des vainqueurs des jeux olympiques originaux, par exemple).

Et la paroi manquant à Severus… Les termes médicaux, chais pas les traduire, donc merci de m’aider si j’ai merdé ^^ (ce qui est le cas, je pense)

‘quiescent’ est le mot du jour <3

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Note de Cricri: Que la force soit avec vous… on adore cette fic…

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Note de Sockscranberries : Il était sympa ce petit OS, même si ce n’est pas mon préféré ;-)

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Aë : Merci à toi et Sockscranberries, fans que nous sommes de Star Wars, et à Naralack Flamme, trekkie de son état ^^

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C’est ironique car, toutes capes noires, côté sombre et obéissance à l’Empereur cumulés, il s’était toujours imaginé en Han Solo (bien que dépourvu de comparse à fourrure) (Minerva, non?)

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Ils ne voient plus jamais Star Wars ensemble. (C’est triste)

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Pur sentimentalisme, il le sait, mais quand il regarde un film, même Severus Snape peut rêver d’être le héros. (J’adore la comparaison ^^)

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Maintenant, il est coincé à jamais avec le souffle de staccato de Vador. (et quel souffle!!)

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Ses habituelles robes et capes noires font le reste. (Bizarrement je ne vois pas Severus se déguiser pour Halloween, même en Vador…)

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-Tandis que Star Trek, que vous favorisez quand, est émotionnellement ratatiné, affligé d’un nanisme de narration, et filmé avec le budget faramineux d’une noise. (Faut dire aussi que c'est une série, forcement que ce n'est pas le même budget lol)

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-Vous mentionnez encore la beauté. Mais qu’en est-il de la structure ? Star Wars a plus de trous dans son intrigue qu’un parcours de golf. (C'est surtout vachement politique à mon goût)

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Ses attaques sur Star Wars sont gâchées par le fait qu’elle n’a vu que l’épisode IV, et ce une seule fois, (Comment ??? O_O Je suis choquée ! Star Wars ça se regarde et se re-regarde des milliers de fois !)

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Son manque de connaissance de première main l’irrite, alors, pendant les vacances de Noël, elle loue les cassettes de la trilogie et les regarde avec attention. Elle prend des notes. (Prendre des notes pendant Star Wars, franchement…)

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La toux s’aggrave en quelques heures ; lorsque la nuit tombe, les enfants sont ravagés d’expectorations. (Charmant)

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Huit jours d’épidémie et Hermione commence à transpirer. (Et merde…)

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Ce parasyte est très rare mais extrêmement contagieux & dangereux quand il apparoit. (Super !)

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-Je n’exclurai pas la possibilité que le Seigneur des Ténèbres ait pu le planter quelque part pour l’utiliser en cas de besoin… ou juste parce que l’idée lui plaisait. (C’est bien son genre)

Le salut (OS)
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C
Excellent!!! Un plaisir à lire!! Merci Aë!!!!
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A
je t'en prie ^^ à très vite!
A
Super cet OS! J'adore Star Wars et j'ai toujours trouvé que L'histoire était similaire à celle de Harry Potter.
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A
y a des points communs quoi ^^'
Z
Ça m'a rajeunie, toutes ces discussions entre eux. Merci pour ce long OS !
Répondre
A
je t'en prie ^^<br /> à très vite!